Nuit du 9 au 10 avril
18 h 40
Helldiver verticale Castor 9 500 pieds – objectif ELIANE 1 Ganga Vert en premier avec bombes de 500 livres instantanées. DCA 37 mm prend à partie Ganga Noir.
18 h 45
Ganga Vert annonce fin de bombardement. Ganga Noir à l’attaque 2 500 pieds vers ELIANE 1 , axe de piqué Sud-Est Nord-Ouest sous 50 degrés.
Largage de 2 000 livres d’explosifs sur ELIANE 1 : en premier ROUGEVIN-BAVILLE – ressources remontée 2000 mètres puis 3 000 mètres. En deuxième LAUGIER – Helldiver 3F 11
18 h 50
L’enseigne LAUGIER, 24 ans, Helldiver n° BuAer 89334 codé 3 F-11 de la 11F (Flottille 3F) : attaque d’une DCA sur ELIANE 1, saute de son avion en feu mais son parachute ne s’ouvre pas, abattu par une salve de 4 tubes lâchant 5 à 6 coups dans la ressource. Le parachute se prend dans l’appareil. Il s’écrase avec son avion près de CLAUDINE 5. Extraction de l’avion à 700 pieds, proximité de Ban Ong Pet, 2 km à l’Ouest du camp.
Annoncé par Torri Rouge : Ganga Noir 2 abattu pendant sa ressource par du 37 mm. Pilote a sauté trop bas. Parachute ouvert trop tard. Tombé hors de nos lignes. Il est 18 h 50.
Une section de la 3e Cie du 1/13 s’élance, capitaine CAPEYRON en tête, ramène le corps. Son corps fut récupéré et inhumé sur place par nos troupes, qui reprirent ÉLIANE 1 le 10 avril après de sanglants combats.
18 h 55
Message GONO : pour réoccupation ELIANE 1 le 10 avril demande de chasseurs sur DOMINIQUE 2 et B-26 sur DOMINIQUE 1 dès que possible matin du 10 avril si météo le permet avec chargement en 500 livres court retard.
Dans la soirée
Trois heures durant, un matraquage inouï d’obus de 120 s’est abattu sur les pentes d’ElLIANE 4 où se trouve le PC de BRUNO.
Etat artillerie 9 avril soir :
- obusiers de 105 mm : 18
- obusiers de 155 mm : 3
- mortiers de 120 mm : 15
Des orages toute la nuit.
Santé, reste à évacuer 253 blessés couchés et 357 blessés assis soit un total de 610 ce qui nécessiterai une trentaine de Dakota à poser à Diên Biên Phu.
Les deux Cies du II/1er RCP sur HUGUETTE 6 sont relevées et remplacées par 1/5e BPVN de BIZARD et le 3/1/2e REI du lieutenant Jean FRANÇois (qui a absorbé des restes de la 1ère Cie). HUGUETTE 1, 3 et 5 sont tenus par les restes du 1/2e REI. La réincarnation du 10/III/13e DBLE défend HUGUETTE 2.
20 h 00
Les premiers éléments du 2e BEP du chef de bataillon LIESENFELT sautent : 15 Dakota larguent le PC léger et sa section de protection, et la moitié de la CCB et la 7e compagnie qui perd 3 tués et 3 disparus. La 8e Cie, la CIPLE ne peut sauter. Il faudra 48 h pour regrouper le 2e BEP, médecin Jean-Marie MADELEINE parachuté nuit du 9 au 10 avec le 2e BEP. Installation de l’infirmerie dans des tranchées non couvertes, 5 infirmiers tués.
Dans la nuit du 9 au 10 avril, nous fûmes largués sur la cuvette. Nous avions appris dans l’avion notre destination précise. Le vol de 2 h 30 fut bien silencieux. Chacun d’entre nous soupesait ses chances de survie, se remémorait sa jeunesse, pensait à sa famille. Aucun chant ne monta de la carlingue, l’atmosphère était lugubre. Les blagues qui fusaient d’habitude restaient lettre morte. En ces moments solennels, chacun était absorbé dans ses pensées funestes, et comme immergé au cœur du drame qui allait se nouer. Nous portions la tenue camouflée habituelle et nos casques (l’un métallique et lourd, l’autre, plus souple) semblaient une vaine protection. Je faisais partie de la 8e Compagnie. En tant que mitrailleur, mes pensées m’amenaient vers la façon rapide de dégrafer mon FM (fusil-mitrailleur) lors du largage. Dans l’avion, j’avais la jambe raidie par les sangles de l’arme. Il fallait impérativement dégrafer cet engin sous peine d’être grièvement blessé dès l’atterrissage. J’étais obnubilé par la hantise de rater cette manœuvre, je la ressassais sans arrêt. Bientôt l’avion se présenta dans l’axe du terrain d’aviation. Quelques impacts de balles étoilèrent ça et là la tôle, tandis que les éclats et le grondement nous environnaient dans notre cercueil volant. La lumière verte clignota.
Nous jaillîmes du zinc. Question de vie ou de mort, le saut ne devait s’effectuer qu’à hauteur minimale, c’était un impératif pour activer la réception au sol et pour ne pas servir de cible aux snipers d’en face. Suspendus à nos corolles, nous voilà aveuglés par un feu d’artifice dégageant son magnésium luminescent du plus bel effet. Mais ce n’était pas un air de fête ! car les flashs des explosions et les traçantes mortelles qui zébraient sans arrêt le ciel nous suivaient comme leurs ombres. Quelques camarades s’empalèrent dans les barbelés hérissant les champs de mines ; d’autres, touchés en plein vol, atterrirent morts, leur voile les enveloppant déjà comme un linceul. Le vent nous dissémina aux alentours de Dominique 3.
Au petit jour, le chef de bataillon Hubert LIESENFELT et le capitaine Charles DELAFOND vont reconnaître l’implantation de la 7e compagnie sur DOMINIQUE 3, tenue par le BT 2 du commandant CHENEL. Au retour, un obus de mortier tombe sur le petit groupe. Le capitaine Charles DELAFOND est tué. Le lieutenant LE COUR GRANDMAISON prend le commandement de la 7e compagnie. 24 h plus tard, le lieutenant Dominique FRAGONARD, chef de section à la 7e compagnie est tué par un obus.
Dakota touchés par la DCA au groupe Franche Comté : les 062 ZW, 726 ZE et 087 ZQ.
Des difficultés apparaissent lors de parachutages de nuit :
- Eclairage de la DZ par le VM au moyen de fusées à parachute, soit au moyen d’engin éclairants brulant au sol avec une forte intensité, ce qui rend inopérant les mesures de camouflage prises par les avions (cache flammes, peinture noire extinction de tous les feux à bord, …). Et permet d’effectuer des tirs à vue sur les avions.
- Réaction de plus en plus violentes de la DCA. L’occupation de Huguette 6 par le VM leur permet de tirer les avions suivant l’axe de leur passage qui est chaque nuit le même.
Samedi 10 avril
302 légionnaires de la 1re Cie du 2e BEP sont largués de nuit, composée à 50% de vietnamiens, tombée dans la rivière regroupée autour du 8e Choc sur Epervier.
Effectif total du 2e BEP parachutés du 10 au 12 avril : 16/60/516 répartis en 20 Français dont 15 officiers et 5 sous-officiers, 335 légionnaires 1/49/285 et autochtones 0/6/231.
BRUNO : « Malgré nos pertes, la lassitude, il faut bluffer les Viêts, ne pas lui donner l’impression que nous sommes KO technique. Puisqu’il faut crever, mieux vaut prendre l’initiative que de subir. »
BIGEARD fait creuser de nuit un boyau d’approche qui permettra aux paras de rester moins de temps à découvert et de gravir la pente ELIANE 1 en collant au barrage d’artillerie.
02 h 00
Parachutage du 2e BEP arrêté.
02 h 24
Patrouilles le 09 autour de ISABELLE trouvent quelques contacts sur la face Ouest.
Bilan du 09 :
- Amies : 7 tués, 21 blessés dont sous-lieutenant TAFFET.
- Pertes VM inconnues
Un légionnaire du I/2e REI fait prisonnier sur HUGUETTE 6 évadé.
Avant l’aube
Les hommes des quatre compagnies du 6e BPC attendent le cœur battant le déclenchement du tir des 20 tubes de 105 et des 12 mortiers de 120 qui vont appuyer l’action.
En alerte au pied d’ELIANE 10, le bataillon BRÉCHIGNAC (1er RCP).
BIGEARD recourt à la tactique des commandos. De petits éléments d’infanterie qui avancent le plus vite possible les poches de résistance détruite par l’artillerie et les deuxièmes et troisièmes vagues.
Bruno est sur ELIANE 4, dans un trou sur la pente face à l’objectif avec 8 postes de radio autour de lui. BIGEARD passe 10 heures dans son trou sous une pluie de terre et de débris soulevés par les obus ennemis.
05 h 50
Heure H : pendant 10 minutes 1 800 coups d’artillerie tombent sur ELIANE 1. Les hauteurs sont aveuglées par des fumigènes, et les monts Fictif et Chauve neutralisés par 40 mortiers de 81, les tirs du 1er BEP, du 8e Choc, et du 5e BPVN ainsi que les mitrailleuse quadruples. Les chars canonnent à vue directe ELIANE 1.
06 h 10
Les obus fumigènes signalent la fin du bombardement. La Cie TRAPP s’élance sur la pente Ouest sous un feu des batteries Viêt terrifiant. Les bombardiers en piqué exact au rendez-vous bombardent les arrières des DOMINIQUE et des ELIANE afin d’encager le champ de bataille.
06 h 45
Attaque déclenchée par 6e BPC sur ELIANE 1, se heurte à très forte résistance partie centrale de l’EX PA ou blockhaus non détruits. Combats acharnés en cours. Une contre-attaque VM repoussée. Violent tirs d’artillerie VM sur positions de batterie et zone PC.
Ils sont moins de 200 contre 2 bataillons remarquablement enterrés, décidés à tenir et qui s’accrochent. Ils sont 16 en premières vagues contre 2 compagnies et pourtant ils progressent. Les combats se déroulent au corps à corps, à la grenade, à la baïonnette et au lance-flammes.
Le Vietminh riposte par des tirs sur nos batteries et sur le PC.
La Cie TRAPP est clouée au sol sur la pente Ouest d’ELIANE 1. La Cie LE PAGE est engagée avec une équipe de lance-flammes et de FM. Ils doivent traverser un rideau de mortiers de 120 et ont des pertes. Le blockhaus qui coiffe l’arête Ouest d’ELIANE 1 disparait sous les vagues des lance flammes. Un nuage de fumées noir s’élève sentant la chair grillée.
08 h 30
Regroupement du II/1er RCP à l’Est de la Nam Youm.
09 h 50
Préparation parachutage du soir : Parachutage personnel 2e BEP continuera nuit du 10 au 11 dans conditions habituelles, 17 avions 1er avion verticale 20 h 00.
10 h 00
Opération de réoccupation ELIANE 1 par 6e BPC se poursuit, combats en cours. Deux contre-attaques VM repoussées.
Quelques contacts de sonnette à l’Ouest de ISABELLE.
11 h 30
ELIANE 1 : Les restes des 2 compagnies sont au sommet.
Les Helldiver de la 3F bombardent la pente Est vers le mont fictif pour écraser les survivants des bataillons viets.
Sommet ELIANE 1 coiffé après dur combat. Vietminh tiennent encore quelques blockhaus sur pente Nord. Action rendue difficile par manque aviation pour neutraliser armes VM tirant de nos anciens PA en particulier DOMINIQUE 2. Intervention efficace de notre artillerie à l’Est d’ELIANE 1.
DOMINIQUE 5 repliée sur ordre depuis le 31 mars soir.
11 h 45
Message GONO : Suite à notre proposition au sujet blessés prisonniers et réponse VM du 09/04. En réponse à notre proposition leur rendre blessés, VM ripostent par une contre-proposition visant a augmenter nos charges en nous rendant aussi nos blessés. Ils ont prévu deux lieux de restitution. Pour les blessés VM celui proposé par nous, pour nos blessés la RP 41 près DOMINIQUE. Ne puis accepter en aucun cas échange en cet endroit. Essaie contre-proposition pour que les deux échanges aient lieu en un seul point situé à 2 km Nord du CR sur piste Pavie. Demande Instructions éventuelles.
12 h 00
Position est prise mais immédiatement une contre-attaque Viet.
GIAP pousse ses plans pour capturer HUGUETTE 1 et 6, mais avec son artillerie faible en munitions, il ne risque pas un assaut majeur a moins que les deux points d’appuis ne soient hermétiquement coupés des renforcements afin de ne pas reproduire les bains de sang antérieurs.
GIAP donne les ordres suivants :
- Division 308 : creuser des trancher vers CLAUDINE 5 et HUGUETTE 1, 4 et 5 et préparer une attaque sur ces 3 dernières positions. Creuser d’autres tranchées pour bloquer les communications entre HUGUETTE 1, 2 et 6 et en coordinations avec la 312e Division couper la piste au Sud de HUGUETTE 1.
- Division 312 : consolider ses défenses sur DOMINIQUE 1 et 2, creuser des tranchées vers HUGUETTE 6 – DOMINIQUE 4 – Epervier et les avants postes du BT2 dans le drain de la piste, préparer l’attaque de ces positions. Creuser une tranchée pour relier la 308e Division au sud de HUGUETTE 1.
- Division 316 : consolider ses défenses sur ELIANE 1, creuser des tranchées d’assaut vers ELIANE 2, 3 et 4 Chau Un Hill (Chau = Préfet, maison de Deo Van Un localisée sur cette colline) et préparer l’attaque de ces positions.
- Division 304 : renforcer son réseau de tranchées autour d’ISABELLE, préparer l’attaque, et freiner son artillerie et s’assurer que la route vers la position principale reste coupée.
- Division 351 : maintenir la mission initiale inchangée exception installer une batterie de 75 mm de montagne en casemate au sommet de DOMINIQUE.
Toutes les unités d’infanterie doivent user la main d’œuvre française avec leur armement organique, utiliser les armes automatiques les fusils pour augmenter les feux antiaériens et former des détachements spéciaux pour engager les parachutistes Français récupérer le ravitaillement tombé dans le no man’s land.
Toutes les unités doivent absorber les renforts entrainer les troupes fraiches dans les unités de combats et entrainer les troupes en fonction des leçons apprises durant les précédentes offensives. Pour prévenir l’usure par maladie et fatigue des démarches sont prises pour améliorer la nourriture, l’état sanitaire et les conditions de vies sur la ligne de front..
La bataille pour ELIANE 1 est aussi un détournement d’attention de l’opération décisive planifiée à l’Ouest de la Nam Youm. Contrairement aux 5 collines, les points d’appuis périphériques n’ont pas d’appuis mutuels et ne peuvent être atteint par des chemins défilés et peuvent être surveillés par les observateurs vietminh et soumis à des tirs directs.
La bataille pour ELIANE 1 a consommé un gros stock de munitions d’artillerie à une période ou il est impératif pour le vietminh de protéger son stock réduit.
Un appel urgent a été lancé à la Chine pour un nouveau stock de 720 tonnes de munitions. Mais les premières livraisons ne doivent pas intervenir avant plusieurs semaines. Avant cela les consommations doivent être réduites. A tel point que le 803e Howitzer battery et la 752e batterie de montagne doivent toutes deux cesser le feu plusieurs jours. GIAP doit mettre en place des limitations strictes. En dehors de son autorisation personnelle, le chef des opérations de combat ne peut autoriser plus de 10 obus, un commandant de Division pas plus de 3 et les commandants de Bataillons et commandants régimentaires ne peuvent demander un support d’artillerie sans autorisation prioritaire de leurs supérieurs.
Les Français sont comme d’habitude mieux approvisionnés en munitions.
Nguyen HUN CHAP, commandant la 290e section de la Cie de Mortier sur DOMINIQUE 1, raconte que « Nous ne pouvons tirer que seulement un obus sur l’ennemi pour répliquer à une vingtaine de coups incluant des 105 mm. »
Le sort des points d’appuis et du GONO est décidé par des batailles de jour pour les chemins d’approvisionnements. Une réplique de la lutte pour la route d’Isabelle à une échelle réduite mais avec de plus forts enjeux.
GIAP affecte plus de la moitié de sont infanterie contre les HUGUETTE.
Les 36e et 88e régiments de la 308e Division doivent couper la Piste Pavie en creusant des tranchées dans l’espace en dessous et en dessus de HUGUETTE 1 alors que le 141e régiment de la 312e Division pousse ses tranchées vers la piste depuis l’Est. Soignant ses blessures le 165e régiment resserre simplement ses ancrages sur HUGUETTE 6.
Les 4 bataillons réduits sont opposés à seulement un bataillon affaibli fait de légionnaires paras.
13 h 30
Message de DE CASTRIES à COGNY : En raison préparation combats sur ELAINE 1 et solidité organisations, ne peut envisager attaque DOMINIQUE 2 sans un important bouleversement préalable. En conséquence demande maximum bombardement aérien sur objectif totalité journée du 11 et début journée du 12. Fixerai heure H en fonction dernière action aérienne. Estime également 48 heures nécessaires pour recomplétement important en munitions demande votre accord.
14 h 00
ELIANE 1 est en majeure partie reprise. Les viets décrochent annonce BRUNO.
ELIANE 1 en majeure partie tenue par nous après combats particulièrement sévères. Intense réaction de l’artillerie VM. Manque d’appui aérien particulièrement regrettable. Relève 6e BPC par 2e Cie du 2/1er RCP chargé de l’occupation, installation en cours. Glacis Nord-Est ELIANE 1 non occupé, battu par nos feux. Pertes VM sévères non évaluées. Pertes amies assez lourdes en cours de dénombrement.
Au soir
Les 3e et 4e Cies du 2/1 RCP prennent la relève du 6e BPC au sommet, sur l’énorme cimetière béant qu’est devenue ELIANE 1 : cela a coûté 100 hommes aux paras, 300 morts minimum au Vietminh et de nombreux blessés.
Interrogatoire de prisonniers Vietminh faits sur ELIANE 1 indique une crise morale et une grande lassitude dont certaines donnent la nette impression d’être à bout moralement et physiquement.
18 h 00
Violent matraquage de ELIANE 1 par l’artillerie VM.
Haut commandement prescrit à Division 304 envoyer au PC constitué pour le 27 avril au km 62 de la route Tuan Giao – Diên Biên Phu.
18 h 30
Harcèlement sur l’ensemble de la position.